Vous trouverez ici les témoignages et entretiens complets de scientifiques, spécialistes de l’éducation ou de personnalités ayant oeuvré de près ou de loin pour l’éducation et le bien-être des enfants-élèves. Je les remercie encore très chaleureusement !
Témoignages figurant dans le livre (ils sont parfois raccourcis dans le livre, ils figurent dans leur intégralité ici)
Entretien avec Catherine Gueguen : « Prendre soin de ses émotions devrait faire partie intégrante de la vie à l’école »
Pédiatre, formée en haptonomie et en communication non violente. Spécialiste de l’enfance et auteur de nombreux essais sur l’éducation et les neurosciences.
- (Re)faire entrer l’émotion à l’école, est-ce aussi bénéfique pour l’élève, pour le personnel de l’EN et, plus précisément, pour le/la professeur.e ?
Cela serait extrêmement bénéfique et même indispensable. Prendre soin de ses émotions devrait faire partie intégrante de la vie à l’école. Ce serait une vraie révolution pour le monde de l’éducation car les émotions ont été considérées pendant très longtemps comme accessoires, gênantes, ou comme des preuves de faiblesse. Actuellement en France, elles font leur entrée timidement à l’école, surtout à l’école maternelle et à l’école élémentaire.
Une des grandes avancées de ces toutes dernières années dans la compréhension du développement de l’être humain nous est apportée par les neurosciences affectives et sociales. Or l’application de ces neurosciences est le développement des compétences émotionnelles et sociales. Ces neurosciences sont très récentes, elles datent de la toute fin du xxe siècle et étudient ce qu’il se passe dans notre cerveau lorsque nous éprouvons des émotions et lorsque nous rencontrons les autres. Nous savons dorénavant qu’une grande partie du cerveau est dévolue aux émotions et aux relations sociales ce qui souligne leur fonction essentielle pour le développement du cerveau donc de l’être humain.
Les émotions sont une réaction physiologique, involontaire à un événement extérieur, il n’y a donc pas à avoir de jugement moral sur elles. Elles ne sont ni bonnes ni mauvaises, seulement agréables ou désagréables, et le reflet de nos besoins satisfaits ou non.
On reproche souvent à nos enfants et adolescents de ne pas être motivés, de ne pas savoir faire des choix et de ne pas savoir avoir des relations satisfaisantes. Or, être connecté à nos émotions nous aide à être motivés, à savoir choisir ce qui nous intéresse et à avoir des relations satisfaisantes.
Les émotions sont précieuses dans le domaine de l’éthique et de la morale : si je n’éprouve rien vis-à-vis d’autrui, s’il m’est indifférent, je peux le maltraiter, le harceler car sa souffrance m’est égale. Je peux également avoir des pratiques illégales ou injustes sans être ni perturbé, ni choqué, ni angoissé, sans sentiment de honte ni de culpabilité. Il est donc urgent d’introduire ces compétences à l’école pour faire cesser le harcèlement que subit un grand nombre d’élèves.
- Quelle est l’interaction entre émotion et apprentissage ?
Il existe une forte interaction entre émotion et apprentissage. Ceci s’explique par plusieurs mécanismes. Par l’empathie car nous savons maintenant que l’empathie est un puissant facteur de maturation du cerveau or les émotions sont au cœur de l’empathie. Exprimer ses émotions, savoir y faire face nous apaise et nous rend disponible pour apprendre contrairement au stress qui inhibe les fonctions intellectuelles. Enfin, le harcèlement, et autres moqueries entre élèves qui sont évidemment très défavorables à l’apprentissage cessent quand on développe les compétences émotionnelles et sociales.
- D’un point de vue institutionnel, une formation à destination des enseignants est-elle nécessaire /utile/indispensable afin qu’ils apprennent à mieux gérer leurs émotions et qu’ils puissent aussi aider les élèves dans ce sens ?
Nous avons l’immense chance d’avoir actuellement des études scientifiques qui démontrent l’importance de la qualité de la relation et du développement des compétences socio-émotionnelles dans le milieu scolaire. Je rêve que ces connaissances soient prises en compte le plus rapidement possible comme le font actuellement de très nombreux pays et débouchent sur des formations approfondies de toute la communauté éducative scolaire en commençant par les enseignants, ce qui serait extrêmement bénéfique aussi bien pour les enfants que pour les adultes.
La clé du changement repose d’abord sur l’engagement des adultes. Si l’ensemble des personnels scolaires développe ses capacités d’écoute et se comporte de manière pacifiée les enfants intégreront cette manière d’être par imprégnation. Les adultes sont de très puissants modèles pour les enfants, ils ne peuvent leur demander d’être empathiques ou de réguler leurs émotions si eux-mêmes n’en sont pas capables. Il est donc illogique de chercher à développer les compétences émotionnelles et l’empathie chez les élèves si les enseignants ne sont pas eux-mêmes d’abord formés.
Prendre en charge un enfant ou un adolescent est difficile et exige d’avoir réussi à réguler ses propres réactions émotionnelles et de savoir inhiber son agressivité. Il ne suffit pas de demander aux enseignants de faire « autrement » : comme tous ceux qui sont confrontés à de véritables défis relationnels, ils ont besoin d’une vraie formation pour pouvoir évoluer dans leurs rapports avec les élèves.
Actuellement, dans de nombreux pays, des enfants et des adolescents bénéficient de la mise en œuvre de ces compétences émotionnelles et sociales et de très nombreuses études provenant du monde entier, validées scientifiquement prouvent leur efficacité sur leur développement global. Ne privons pas nos enfants de ses compétences. Intégrons-les, formons la communauté éducative et elle en tirera de profonds bénéfices qui s’étendront à la société tout entière.
Entretien avec Jean-Philippe Lachaux : « Le méditant agit avec son attention comme un ingénieur du son avec sa table de mixage »,
Directeur de recherche en neurosciences cognitives au sein de l’unité Inserm « Dynamique Cérébrale et Cognition » à Lyon.
- Qu’est-ce que la méditation ? Quelle définition en donner ?
Je ne vais pas répondre à cette question profonde, mais je vais plutôt aborder un aspect de ce qu’apporte la méditation sous l’éclairage des neurosciences modernes. Ce que nous savons maintenant très bien, c’est que toute expérience globale émerge de l’action conjointe de régions cérébrales distinctes qui interagissent les unes avec les autres. Pour être concret, quand vous voyez un objet se déplacer, cette expérience visuelle correspond entre autres à l’activation d’une région du cerveau spécialisée dans la perception des objets, et d’une autre spécialisée dans la perception du mouvement. Quand les deux s’activent conjointement et de façon coordonnée, vous avez l’expérience d’un objet en mouvement. Mais il est tout à fait possible de faire ressentir à quelqu’un une impression de « pur mouvement » sans objet, en activant uniquement la région du mouvement. Passons à un exemple un peu plus complexe et plus intéressant : si je revis mentalement une situation stressante, en la ruminant, cette expérience désagréable est l’assemblage de perceptions distinctes qui sont orchestrées dans mon cerveau : il peut y avoir une image mentale de la scène que je ressasse, des paroles que j’entends avec ma « petite voix », une expression faciale – j’ai l’impression de me voir triste – des sensations corporelles très diverses, au niveau de la gorge, des yeux, de la poitrine, des mains… des sensations motrices aussi, comme si je m’apprêtais à parler. Toutes ces composantes sont produites par des régions différentes du cerveau. Une personne qui n’a pas l’habitude de méditer va se trouver captive de cette expérience globale qui va s’auto-entretenir. Elle sera piégée par ce petit cinéma interne qu’elle va prendre, le temps de sa rumination, pour la réalité. C’est l’état d’auto-hypnose dans lequel nous évoluons bien souvent. Au contraire, une personne qui a appris à utiliser son attention au fil de nombreuses séances de méditation peut l’utiliser pour déconstruire cette expérience globale et l’examiner sous différents angles : « tiens, voyons comment mes images mentales agissent sur ma respiration… examinons cette sensation corporelle qui semble monter dans le haut de mon corps… etc. » Cette pratique de « photographe animalier » enraye l’emballement habituel qui caractérise les émotions fortes et permet une prise de recul. D’un point de vue cérébral, l’attention va modifier subtilement l’activité des différentes zones impliquées dans ce ressenti émotionnel et complètement changer sa dynamique pour privilégier peut-être l’insula – impliquée dans tous les ressentis corporels – au détriment du cortex visuel ou du précunéus, qui servent à générer des images mentales fictives. L’émotion globale est alors perçue d’une tout autre manière.
Le méditant agit donc avec son attention comme un ingénieur du son avec sa table de mixage, pour régler les volumes relatifs des différents instruments et changer l’expérience auditive globale du spectateur. La seule différence, c’est que le méditant est son propre spectateur !
- La méditation a-t-elle sa place à l’école ?
Il n’y a pas de souci en soi à apprendre aux élèves à ramener doucement leur attention sur leur respiration ou leurs sensations corporelles dès qu’ils constatent qu’elle s’est échappée. Par contre, quiconque a déjà pratiqué un peu la méditation constate qu’il est fréquent d’explorer avec son attention des cibles plus élaborées, qui apparaissent tout d’un coup au fil de la pratique comme des objets d’attention intéressants, parce qu’ils conditionnent notre vie mentale. Je pense à la sensation de « soi », à des impressions de flux d’énergie circulant dans le corps, etc., et puis, comment accompagner un adolescent en quête de sens qui s’engagerait cœur et âme dans une pratique intensive ? Toutes les grandes traditions de méditation abordent ces ressentis avec sérieux et discipline, et sous l’encadrement d’enseignants très expérimentés. D’ailleurs, un maître enseignait souvent à quelques élèves seulement, afin de pouvoir bien surveiller l’évolution de chacun. Avec l’engouement actuel pour la méditation en Occident, j’observe une volonté affichée de former « en masse » et le plus vite possible, sans que la logistique d’un tel déploiement n’ait été vraiment réfléchie. Pour faire un parallèle, l’enseignement du tennis dans les clubs, ou du piano dans les conservatoires, est délivré par des professeurs dont le niveau a été évalué au cours d’épreuves très difficiles. Pour passer son brevet d’état de tennis, il faut un classement minimal de 15/2, que peu de joueurs atteignent dans leur pratique, et seulement après des années d’entraînement et de compétition. Quel niveau de pratique de méditation faut-il pour pouvoir l’enseigner dans une classe ? Je pense que la question du « qui peut enseigner quoi ? » est incontournable et va devoir être abordée sérieusement dans les années à venir.
Entretien avec Candice Marro : « Méditer à l’école, ou des compétences clés pour les apprentissages et pour la vie »
Psychothérapeute, ostéopathe, formatrice mindfulness dans l’éducation et auteur. Elle est la présidente de l’association d’intérêt général A.M.L.E., qui diffuse la pleine conscience ou présence attentive dans les établissements scolaires. Le programme P.E.A.C.E.® a été reçu dans plus de 650 écoles et 20 000 élèves de 5 à 17 ans. Elle est également cofondatrice du think tank d’experts initiative mindfulness France, en charge du pôle éducation.
- Qu’est-ce que la pratique de pleine conscience ou la présence attentive ?
La méditation dite de pleine conscience correspond à une pratique laïque dont l’intention est d’entraîner les capacités d’attention, d’écoute et de discernement à ce qui est présent dans l’instant (nos pensées, nos émotions, nos sensations physiques) et d’aider ainsi à acquérir une meilleure stabilité intérieure, une meilleure santé mentale ou un plus grand bien-être. Cette pratique est d’ailleurs en adéquation avec les principaux parcours de l’Education nationale, dont notamment le parcours civique et citoyen, mais aussi celui de l’éducation santé, obligatoire dans toutes les écoles. Ce dernier contient trois volets : le développement des compétences psychosociales, la prévention (harcèlement, etc.), l’éducation (climat scolaire).
- Comment est née l’Association de Méditation Laïque dans l’Enseignement ?
J’ai fondé l’association pour la méditation dite de pleine présence dans l’enseignement (A.M.L.E) en 2015 à la suite de mon expérience au Royaume-Uni dans le domaine de la santé mentale puis de l’éducation. Nos parrains sont le Dr Christophe André, Matthieu Ricard, Ilios Kotsou PhD, Joel Monzee PhD au Québec et Dr Elena Antonova. En juin 2021, nous sommes intervenus, par le biais du programme P.E.A.C.E® dans plus de 650 établissements scolaires en France et davantage en Suisse, en Belgique et au Québec. Nous avons formé environ 800 intervenants, dont une majorité des enseignants et personnel. Après 3 ans de recherche avec une magnifique équipe (Gayet, C., Kotsou, I., Leys, C., Martin-Krumm, C., & Shankland, R.), une publication scientifique de 2021 démontre les effets significatifs sur la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux et une amélioration du climat scolaire. De nombreuses avancées[1] permettent aussi d’affirmer que la pleine présence, à condition d’adopter une démarche éthique rigoureuse et de bien y être formé, peut participer à la réussite des apprentissages et à la transformation du climat scolaire.
- Que peut-on dire sur la place du corps ?
La méditation est souvent liée à l’esprit ou à une notion de contrôle mental, suscitant par-là de nombreux préjugés et craintes lorsque l’on parle de l’introduire aux enfants et jeunes en milieu scolaire et éducatif. Or, méditer signifie, entre autres, « se relier », se cultiver. C’est un entraînement de l’attention qui va se tourner vers différentes composantes de notre fonctionnement et nous inviter à nous connecter à nos ressentis, nos émotions, nos pensées, afin de mieux se connaître, se réguler et s’accepter. L’attention au corps est le fil rouge de toutes les pratiques. Le corps immobile, le corps en mouvement, le corps qui respire, le corps en tension, en détente, l’accueil des ressentis et sensations, la centration et la stabilité forment les bases de cette découverte de soi. Cette attention au corps permet de développer la proprioception, d’enrichir le vocabulaire des ressentis — compétence qui fait souvent défaut et limite donc l’expression du ressenti de bien-être ou mal-être – mais également permet d’apprendre à identifier le stress et les émotions en vue de les réguler. L’on sait que la plupart des échecs scolaires ne sont pas liés à un manque d’intelligence logico-mathématique mais plutôt au kidnapping des compétences par les émotions. L’intelligence émotionnelle est donc un des ingrédients clés à toute expérience de réussite éducative et interpersonnelle.
- Quelle est la place des besoins psychologiques fondamentaux (besoin d’autonomie, de compétence et d’appartenance sociale) ?
Afin de répondre aux récentes orientations éducatives, des programmes visant à promouvoir la qualité de vie à l’école fleurissent partout en France. On observe sur le terrain qu’« un nombre croissant d’interventions est aujourd’hui délivré dans les écoles dans le but d’aider les enfants à développer leur compréhension et leur régulation des émotions » (Réseau Canopé, 2019). Parmi ces interventions, de nombreuses sont fondées sur la pleine conscience (ou pleine présence) (Shankland & Rosset, 2016). « L’inclusion, dans ce type de programme, de techniques de mindfulness (pleine conscience) semble également permettre une amélioration du bien-être psychologique et des compétences socio-émotionnelles » comme le souligne le Réseau Canopé (2019 ; pour plus de précisions, voir Lamboy, Shankland, & Cardoso, 2016).
Les recherches montrent effectivement que la satisfaction de ces trois besoins soutient à la fois le bien-être (Ryan & Deci, 2000) et la réussite scolaire (Kiuru et al., 2015). Par ses comportements, l’enseignant peut tout à fait encourager la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux de ses élèves. Cette attitude de l’enseignant engagerait un cercle vertueux puisqu’il « pourrait recevoir des retours plus positifs, se sentir davantage utile et compétent dans sa fonction, ce qui devrait alors augmenter l’énergie, l’engagement dans la tâche et la satisfaction professionnelle » (e.g., Lavy & Bocker, 2018, cité par Shankland et al., 2018). Ainsi, la prise en compte des besoins psychologiques fondamentaux permettrait de favoriser à la fois le bien-être des élèves et des enseignants (Tessier, Shankland, Imbert, & Muir-Poulle, 2017).
- Que peut-on dire sur la formation ?
Pour autant, la méditation de peine conscience n’est pas une solution miracle et devrait s’inscrire au sein d’un parcours de formation des équipes éducatives dans le contexte d’apprentissages socio-émotionnels plus complets. Il est dommage de constater que la formation des enseignants n’inclut pas ou peu ces apports essentiels, tels que la connaissance des phases du développement de l’enfant, la régulation du stress, les mécanismes attentionnels, etc. Nous constatons aussi trop souvent que, par manque de moyens pour se former à des programmes supervisés et ayant fait l’objet de recherches, nombre d’enseignants ou d’éducateurs s’inspirent d’outils glanés au travers d’audio, de livres, de ressources présentes sur internet et que cette absence de vraie méthodologie et de pratique personnelle alimente les résistances et critiques formulées à l’encontre de ces apports. Pourtant, enfants, adolescents, enseignants et parents témoignent des bienfaits de cette pratique en milieu scolaire et au-delà des murs de l’école.
Je reste convaincue que la peine présence en milieu éducatif peut activement contribuer à un changement de culture du milieu éducatif et favoriser des apprentissages essentiels non seulement pour la réussite éducative mais également pour la vie.
Bien veiller, prendre soin de soi et des autres est au cœur de la présence attentive. Pourquoi ne pas encourager ce potentiel à fleurir dès le plus jeune âge et conserver au cœur l’espérance d’une société plus équilibrée et consciente pour nos enfants, les générations à venir et grâce à eux ?
Témoignage de Mathilde Tricoire : « L’école, lieu où l’on devrait enseigner à vivre et à ressentir »
Enseignante agrégée de SVT en lycée et en collège, responsable pédagogique au sein de l’Office for Climate Education, une ONG qui promeut l’éducation au changement climatique dans le monde entier.
« Jeudi 20 août 2020. Je découvre, pour la première année, les rencontres d’été des Cahiers pédagogiques, en tant que conférencière. Dès le lendemain, afin de m’intégrer davantage, je décide de rejoindre un atelier : celui vers lequel je me dirige spontanément est co-animé par Anne-Marie et démarre par une méditation. C’est ma première rencontre avec une méditation en groupe ; méditante solitaire depuis plusieurs années, je n’ai jamais eu l’occasion de pratiquer à l’extérieur, ni en groupe. La voix d’Anne-Marie se fait reposante, elle nous entraîne dans une méditation de l’arbre. Et là, je ressens mes racines, à la fois profondes et porteuses. Sa voix, le souffle léger du vent dans les feuilles, les yeux fermés avec le sentiment d’être connectée à toutes celles et ceux qui participent de ce même mouvement. Et, le plus important, d’être reliée à quelque chose de plus vaste : le Monde. Se diriger ensuite vers un arbre, celui qui nous attire, pour l’approcher, le toucher, l’enlacer, le sentir. C’est étrange comme sensation, se sentir à la fois protégée par cet arbre majestueux et à la fois garante de sa survie. Car nous ne serions pas là, humain·e·s, sans cette Nature ; mais aujourd’hui, sa survie dépend de nous. C’est ce que j’ai perçu, ce matin-là : cette méditation comme une forme de reconnexion, à la fois individuelle – à mes racines, à ce qui m’ancre –, mais aussi collective – tous·tes ensemble à pratiquer –, et même universelle – je fais partie d’un tout, plus grand que moi. Même déjà consciente et engagée dans la cause écologique, j’ai réalisé à quel point ce type de pratique peut permettre de percevoir plus solidement notre lien à la Nature ; et peut très certainement éveiller des consciences, pour un mode de vie plus sobre et plus connecté avec le Monde qui nous entoure. C’est en cela que celle-ci peut avoir toute sa place à l’école, lieu où l’on devrait enseigner à vivre (comme le dit si joliment Edgar Morin) et à ressentir. »
Interview de Michel Tozzi : « La réflexion peut être nourrie par l’émotion »
Didacticien de la philosophie, à l’origine des débats philosophiques à l’école, travaillant actuellement sur l’interaction entre la méditation et la philosophie à l’école.
- (Re)faire entrer l’émotion à l’école est-il autant bénéfique pour l’élève, pour le personnel de l’Education Nationale, et plus précisément pour le/la professeur.e ?
L’émotion est déjà à l’école, car les élèves sont des êtres d’émotion, plus peut-être que de raison. Mais on la considère souvent comme dangereuse en classe et dans la cour, accompagnant les conflits, alimentant les violences, et il s’agit plutôt de l’éviter pour ne pas avoir de problème. On rêve de classes silencieuses, où des êtres de raison s’imprègneraient du savoir rationnel du maître !
2. Quelle est l’interaction entre émotion et apprentissage ?
Comme si l’apprentissage ne s’appuyait que sur la raison ! Cette vision intellectualiste est réductrice : d’abord il y a les apprentissages physiques qui implique un travail sur ses émotions dans la gestion de son corps et la participation aux sports collectifs par exemple ; puis les arts plastiques, musicaux, littéraires, qui s’en nourrissent pour la réceptivité esthétique et la créativité. Et dans les activités les plus intellectuelles, comme les sciences et la philosophie, on sait désormais avec les neurosciences que l’émotion et la raison sont intimement liées dans les démarches cognitives. Les praticiens des méthodes actives s’appuient d’ailleurs depuis longtemps sur la motivation pour accompagner les apprentissages. Il faut donc en tirer les conclusions pédagogiques et didactiques qui s’imposent : changer la représentation que l’on a du rôle des émotions dans l’apprentissage ; utiliser leur potentiel de dynamisation ; et pour cela apprendre depuis le plus jeune âge à les accueillir, les nommer, les reconnaître, et les orienter dans le sens des « passions joyeuses » (Spinoza), qui exaltent la joie de vivre et accroissent la puissance d’agir.
- Si l’émotion peut, parfois, entraver la réflexion, la méditation peut-elle être une solution pour aider cette dernière ?
La tragédie grecque a attiré l’attention sur le rôle destructeur que peuvent avoir les passions lorsqu’elles s’exercent sans contrôle. Et la philosophie antique a prôné la paix de l’âme par la sélection (Epicure) ou l’extinction (Stoïciens) des désirs. Cette représentation a pesé non sans raison sur le jugement négatif portée sur l’émotion dans la réflexion rationnelle ou la conduite sage. Mais ce que l’on a appris aujourd’hui, c’est que la réflexion peut être nourrie par l’émotion, qui peut y puiser à la fois un matériau vécu à analyser et un dynamisme de propulsion. La méditation, par exemple de pleine conscience, peut être un des chemins de préparation à cette réflexion, et même une façon de l’accompagner : c’est notamment le cas de la méditation philosophiquement guidée…
- Que penser de l’introduction de la pratique méditative, ou méditation en pleine conscience/présence à l’école ?
En ce sens, la méditation a toute sa place à l’école publique laïque, dès lors qu’elle se garde de tout prosélytisme religieux. C’est une pratique de l’attention qui favorise les apprentissages, par le retour à soi qui instaure un calme intérieur, une disponibilité à l’autre et une réceptivité à son discours…
Entretien avec Katherine Weare : « Si elle est bien dispensée, la méditation de pleine conscience peut avoir une place dans les écoles »
Professeure émérite à l’université de Southampton. Chercheuse, écrivaine et conférencière, son travail sur la pratique de la pleine conscience dans les écoles et auprès des jeunes est internationalement reconnu. Elle est consultante auprès de plusieurs organisations, dont Mind and Life Europe et la UK Mindfulness in School Initiative. Elle est co-auteure avec Thich Nhat Hahn du livre Un prof heureux peut changer le monde.
- La méditation de pleine conscience est-elle un moyen efficace de gérer le stress et les émotions ?
Cela peut l’être si elle est bien mise en œuvre. Les preuves d’essais contrôlés et de recherches qualitatives montrent que la méditation de pleine conscience, si elle est bien enseignée, par des enseignants qualifiés, à ceux qui veulent l’apprendre, peut avoir un effet sur les indicateurs de stress et sur la régulation émotionnelle pour les personnes de tous les âges, y compris en milieu scolaire. J’essaie de fournir un leadership et des conseils sur le terrain, en encourageant une pratique factuelle de la pleine conscience laïque dans de nombreux contextes — y compris cliniques, professionnels et dans les écoles et les universités.
- Quelle serait selon vous la différence entre une pratique spirituelle/religieuse et laïque de la méditation ?
Il s’agit avant tout de savoir comment elle est présentée et si elle est faite de manière séculière ou utilise des mots ou objets pouvant avoir une connotation religieuse. C’est finalement l’intention qui compte car la méditation est une compétence humaine et non religieuse. J’aime une expression en anglais : « tout le monde boit du liquide, certains aiment le thé, d’autres l’eau, mais en soi, c’est toujours liquide ».
- La méditation a-t-elle sa place à l’école ?
Si elle est bien dispensée, par des enseignants qui pratiquent la pleine conscience eux-mêmes et comprennent ce qu’est la méditation de pleine conscience, en utilisant des méthodes engageantes, si elle est destinée aux personnes qui veulent l’apprendre et dans des contextes où elle est conforme à l’éthique et aux valeurs générales de l’école, alors la méditation de pleine conscience peut avoir une place dans les écoles. Si cela est mal fait, il vaut mieux ne pas le faire du tout, car cela peut décourager les gens, et même avoir des conséquences négatives. Nous en avons une certaine expérience au Royaume-Uni, où la pleine conscience est devenue trop rapidement populaire et n’est pas toujours bien enseignée.
- Y a-t-il d’autres avantages de la méditation liés aux apprentissages de l’élève ?
Les preuves issues d’essais contrôlés montrent que la méditation de pleine conscience peut avoir un effet sur la fonction exécutive de la cognition, de l’attention, de la métacognition (penser à penser), et l’autorégulation — à la fois cognitive et émotionnelle. Il existe des preuves d’effets sur les résultats scolaires, y compris sur les tests standardisés et dans certaines matières scolaires.
Entretien avec Corinne Tran : « Si l’enseignant souhaite développer au sein de ses classes des pratiques permettant de gérer le stress et les émotions, il semble important de pouvoir lui proposer une formation institutionnelle. »
Référente de la région académique PACA pour les élèves à haut potentiel (EHP)
- Quelle est l’interaction entre émotion et apprentissage ?
Pour tous les élèves, mais plus particulièrement pour les Elèves à Haut Potentiel (EHP), les émotions sont un facteur important à prendre en compte dans le cadre des apprentissages. En effet, chaque enfant possède ses propres caractéristiques ; néanmoins, l’hypersensibilité et l’hyperémotivité représentent des traits de personnalité souvent présents chez les EHP. Il y aura donc une interférence beaucoup plus forte des émotions dans les apprentissages pour ces élèves.
Or d’un point de vue biologique, il a été démontré que chaque émotion va déclencher des processus neurologiques différents avec notamment des molécules libérées au niveau du cerveau, appelée neurotransmetteurs. Ces molécules vont pourvoir interférer, positivement ou négativement, avec d’autres mécanismes, impliqués dans les apprentissages, comme l’attention, la concentration et la mémorisation.
- (Re)faire entrer l’émotion à l’école est-il bénéfique tant pour l’élève que pour le personnel de l’EN, et plus précisément le/la professeur.e ?
De manière évidente, les émotions étant un facteur qui peut favoriser ou au contraire diminuer, voire empêcher les apprentissages ; il est essentiel de les prendre en compte. Ainsi, si l’enseignant est conscient que la disponibilité de l’élève face aux apprentissages est fonction des émotions qui l’animent au moment du cours, il pourra adapter les exigences. Cette pratique n’a pas pour but de diminuer le niveau attendu ou de faire preuve d’une iniquité entre les élèves mais simplement de demander à l’élève de réaliser ce qu’il est capable de faire dans son contexte émotionnel à un moment donné.
La connaissance de l’influence des émotions sur les apprentissages peut également permettre aux enseignants de créer un cadre propice aux émotions positives, favorisant les mécanismes d’attention, de concentration et de mémorisation. Ce cadre peut correspondre à des moments où l’élève exprime ses émotions, apprend à les ressentir pour comprendre dans quel état émotionnel il se trouve, voire lui donner des outils pour maitriser ses émotions et les transformer en émotions positives.
- D’un point de vue institutionnel, une formation à destination des enseignants est-elle nécessaire/utile/indispensable afin qu’ils apprennent à mieux gérer leurs émotions et qu’ils puissent aussi aider les élèves dans ce sens ?
Si l’enseignant souhaite développer au sein de ses classes des pratiques permettant de gérer le stress et les émotions, il semble important de pouvoir lui proposer une formation institutionnelle.
Cette formation doit lui permettre de vivre lui-même ce qu’il va proposer à ses élèves. Ce travail sur les émotions, de ce fait, sera également une occasion pour lui-même de les ressentir et donc de mieux les connaître, les anticiper et de les reconnaitre chez les élèves.
Entretien avec Thomas d’Ansembourg : « Prendre en compte les émotions et savoir les communiquer est en vrai enjeu de santé publique »
Ecrivain, formateur et conférencier. Spécialiste de la Communication Non Violente, formé auprès de Marshall Rosenberg.
- Que penser du fait de faire revenir les émotions à l’Ecole?
Il me semble nécessaire d’initier les lycéens à la CNV, surtout dans le contexte actuel, fait d’anxiété et de stress par rapport à la vie qui va de plus en plus vite. Aujourd’hui rendre l’accès aux émotions de façon plus évidente est un enjeu de santé publique. Nous sommes dans un grand changement de paradigme et l’ancien qui consistait à laisser les émotions en dehors de l’Ecole est non seulement obsolète mais complètement suicidaire à mon sens.
- Comment faire en sorte que l’Education nationale prenne en compte l’apprentissage de l’intelligence émotionnelle ?
Comme tout apprentissage, il demande d’intégrer le facteur temps. Nous sommes de plus en plus conscients que l’apprentissage de l’intelligence émotionnelle est aussi fondamental qu’apprendre à lire, écrire et calculer ! A quoi cela sert de devenir un ingénieur brillant si nous n’avons pas appris à gérer nos émotions et à faire collaborer des équipes ? Donc nous avons besoin de cours de « connaissance de soi », d’« empathie » : ce sont des compétences fondamentales.
Comment faire ? Travailler avec les parents et les enseignants pour que par leur façon d’être et de vivre les émotions, les choix, les désaccords et deuils, ils puissent témoigner et être inspirants auprès des jeunes. C’est le thème de mon dernier livre.
Je suis parrain de l’association DECLIC-CNV & éducation, avec Catherine Gueguen, et je sais que l’éducation émotionnelle devient une des priorités dans certaines académies.
- Quel serait l’intérêt de la CNV avec les ados ?
L’intérêt est considérable. Je me suis occupé pendant 10 ans d’une association où les jeunes étaient pris dans toutes sortes de violences et d’addictions. Je me suis alors formé auprès de Marshal Rosenberg et j’ai pu constater une amélioration nette quant à l’expression des émotions et comment retrouver le sens et l’envie de vivre. On peut d’ailleurs l’apprendre de façon ludique : marionnettes, mises en scène, jeux. Je pense à l’Université de Paix, créée en Belgique, qui promeut tous les outils visant à la paix : ils ont une ludothèque formidable pour faire des animations mettant au centre les émotions.
- Quelle est l’utilité des formations d’adultes ?
Ces formations sont utiles car elles « sauvent la peau » des adultes ! Nous ne sommes plus en train de faire du développement dit personnel, mais du développement social durable ! Et c’est un enjeu de santé publique ! Il ne s’agit pas juste de faire son petit yoga dans son coin, mais vraiment de prendre en compte le vivre ensemble de façon citoyenne ! Il ne s’agit pas non plus de simple « rustine ». C’est un vrai éveil de conscience dont il est question.
- Comment arriver à cet « éveil de conscience » chez les professeurs ?
Si on fait toujours de la même façon, on ne pourra pas obtenir un résultat différent. Nous avons donc besoin de commencer par changer la façon de penser qui tient les commandes de ce que nous faisons ! C’est notre système de pensée qu’il faut changer. Aucun problème ne peut être résolu si l’on entretient le même état de conscience, disait Einstein ! Comment pouvez-vous avoir de l’empathie pour l’humain devant, si vous n’avez pas appris à développer de l’empathie pour l’humain dedans ? Et quand tu es en colère : tu t’écoutes pour maîtriser ce que tu as à dire ou tu balances tes reproches à quelqu’un en vrac ? Vous voyez : on est loin de la rustine !
- Comment ne pas être perçu comme « donneur de leçon » ?
Il ne s’agit pas du tout de tenter de convaincre, mais continuer de témoigner ! Nous sommes pionniers d’un nouveau monde, ce qui nous amène à accepter de se prendre quelques flèches et de ne pas être compris par tout le monde… Beaucoup de personnes sont piégées dans la culture du malheur et se résignent à cela. Nous pouvons nous contenter de partager le fait que nous avons pris le temps de faire l’apprentissage de certaines clés et processus de relations humaines car nous en avions marre de ramer ! En disant cela, les personnes auront souvent envie de s’en inspirer !
Entretien de Jean-François Laurent : « Vous avez le droit d’aimer vos élèves ! Vous êtes là aussi pour ça ! »
Formateur, conférencier et écrivain dans les domaines de l’éducation.
- (Re)faire entrer l’émotion à l’école est-il bénéfique tant pour l’élève que pour le personnel de l’EN, et plus précisément le/la professeur.e ?
Ce n’est même pas « bénéfique », mais INDISPENSABLE !
Il y a encore une quinzaine d’années, on nous disait de laisser nos émotions à l’entrée de la classe ! Mais ce n’est pas possible. Un prof, un élève, rentre en classe AVEC ses émotions ! Donc c’est indispensable que l’on puisse prendre en compte nos émotions, les écouter car cela nous donne des informations importantes pour notre équilibre : c’est même urgentissime !
- Quelle est l’interaction entre les émotions et les apprentissages ?
Si un élève est encombré par une tristesse, une colère immense, une peur, il ne pourra pas apprendre ! Il ne sera pas disponible pour l’apprentissage. Peut-être que la sélection se fait sur la capacité à gérer justement ses émotions : en tenir compte, pour pouvoir agir et agir sereinement. Donc l’interaction est fondamentale ! On sait qu’un élève a besoin d’empathie pour apprendre ! Je choque d’ailleurs les profs en leur disant : « Vous avez le droit d’aimer vos élèves ! Vous êtes là aussi pour ça ! ». Aimer : c’est les accompagner, les réguler, les gronder -de façon correcte bien entendu-, écouter leurs émotions et écouter qui ils sont !
- Que penser de l’introduction de la méditation de pleine conscience à l’école ? Et de la formation des adultes ?
Je ne suis pas un spécialiste, mais je suis fan ! Je pratique moi aussi, alors je trouve que c’est fondamental pour les enfants, les adultes.
Je pense que c’est indispensable que les adultes soient en effet formés, pour apprendre à gérer leurs émotions. Et ça peut commencer par l’école !
Donc tout ce qui est pratique de recherche sur soi, pour mieux se connaître, mieux connaître ses qualités permettra de mieux apprendre ! C’est la valeur qu’on s’octroie qui est fondamentale. C’est donc important de faire ce travail, intégré à l’école. Tant qu’on sera dans cette politique de performance, on n’y arrivera pas ! Moins on sera dans cette quête de performance, plus on sera performant ! Et on ne peut plus faire le métier de prof comme avant, on doit travailler ensemble, avec les élèves !
Témoignage de Rebecca Shankland : comment la psychologie positive peut contribuer au bien-être des individus
Professeure de psychologie du développement à l’Université Lumière Lyon 2, responsable de l’observatoire du bien-être à l’école, chercheure au laboratoire DIPHE (Développement, Individu, Personnalité, Handicap, Education), auteure de nombreux ouvrages visant à promouvoir le bien-être et la santé mentale.
La psychologie positive est parfois mal comprise et considérée comme une forme de méthode Coué consistant à se répéter des mantras positifs pour essayer d’aller mieux ou d’avoir davantage confiance en soi. Les pratiques de psychologie positive sont beaucoup plus efficaces que ce type de méthode et permettent d’agir sur des piliers du bien-être durable tels que l’acceptation de soi, le sens de la vie et les relations constructives. Plus de 20 ans de recherche ont permis de mettre en évidence l’efficacité de ces pratiques, notamment en milieu académique.
Parmi ces pratiques, celles qui consistent à apprendre à regarder l’existence sous un autre angle sont les plus efficaces. Il s’agit de réduire ce que l’on appelle le biais de négativité. C’est une tendance naturelle de l’humain consistant à orienter en priorité l’attention vers ce qui est potentiellement menaçant ou dérangeant, de manière à assurer au mieux sa survie. Ce biais a été très utile pour permettre à notre espèce de survivre. Toutefois, dans une société démocratique où la survie n’est pas mise en danger en permanence, ce biais de négativité peut prendre une place trop importante et nous faire passer à côté des aspects positifs et satisfaisants du quotidien. Par exemple, le soir, nous avons plutôt tendance à ressasser nos tracas et oublions les gestes positifs de nos proches, les moments de partage constructifs vécus au cours de la journée. Nous repensons donc moins aux choses qui donnent du sens à notre existence, et petit à petit, nous avons l’impression que la vie perd de son sens. De plus, plus nous orientons l’attention uniquement vers ce qui ne va pas, plus nous éprouvons des émotions difficiles qui, à leur tour, augmentent le biais de négativité. Pour sortir de ce cercle vicieux les pratiques de psychologie positive, comme le journal de gratitude, peuvent être utiles.
Le journal de gratitude consiste à noter chaque jour jusqu’à cinq choses, petites ou grandes, pour lesquelles nous éprouvons de la gratitude. Ce qui compte c’est de prendre le temps de repenser à ces moments satisfaisants de la journée : un geste bienveillant, un beau paysage… Ce type de pratique permet de contrecarrer le biais de négativité et augmente le sentiment de lien social. Grâce à cela, on observe une réduction des symptômes anxieux et dépressifs, et une augmentation de la satisfaction par rapport à la vie. En réalisant un journal de gratitude chaque soir pendant deux semaines, cela a des effets durables qui sont liés au changement de regard que l’on porte sur l’existence. On est davantage capable de repérer les aspects positifs en soi, chez les autres et dans notre quotidien. Cela ne signifie pas que l’on nie les problèmes, mais qu’on l’on est davantage en mesure de s’appuyer sur ses compétences et sur les relations constructives pour avancer en direction de ce qui compte dans la vie, ce qui est en lien avec les valeurs personnelles.
C’est ce travail que nous proposons de faire avec les élèves, en apprenant à mieux identifier leurs forces, les qualités des autres, les aspects constructifs dans leur quotidien, pour continuer à s’engager dans les apprentissages et avancer dans la construction de leur projet de vie.
Entretien avec Julien Peron : « La responsabilité citoyenne, c’est le trio gagnant : parent, enfant et professeur qui doivent prendre soin d’eux-mêmes en priorité, pour être plus efficaces avec les autres par la suite »
Conférencier, réalisateur du documentaire C’est quoi le bonheur pour vous ?, fondateur de l’agence Neobienêtre.
- (Re)faire entrer l’émotion à l’école est-il bénéfique tant pour l’élève que pour le personnel de l’EN, et plus précisément le/la professeur.e ?
Oui, évidemment ! C’est même nécessaire car nous sommes déconnectés de nos émotions depuis notre plus tendre enfance. Cela commence par notre éducation et l’instruction, qui passent par l’école, les parents, les médias, la politique, etc. puis par le conditionnement de la société dans laquelle nous vivons. On ne nous a pas appris à verbaliser nos émotions, à mettre des mots dessus, à les reconnaître, bien au contraire ! et ce dans tous les domaines, que ce soit en amour, dans le domaine professionnel, en amitié, etc. Aujourd’hui, on peut considérer que 30 % de la population est en cheminement vers une meilleure connaissance de soi. C’est autant d’individus qui peuvent accompagner ceux qui sont en chemin.
Tout part de l’éducation ! Le chemin idéal serait d’englober parents, enfants et enseignants afin qu’ils cheminent main dans la main. Si l’on n’accompagne que les enfants, ils vont mettre en pratique certaines choses à la maison, mais si les parents et les professionnels ne cultivent pas une meilleure connaissance d’eux-mêmes, c’est perdu. En une génération, on peut facilement y arriver. C’est, de fait, une responsabilité citoyenne ! J’ajoute que penser à s’occuper de soi, ce n’est pas s’auto-centrer. C’est le conditionnement de notre société qui nous fait croire que c’est égoïste. Comment peut-on prétendre s’occuper des autres si l’on ne s’occupe pas de soi en priorité ! Voici un exemple : lorsque vous prenez l’avion, le steward vous dit qu’en cas de dépressurisation, des masques vont tomber au-dessus de nos têtes et qu’il faut en priorité se mettre le masque avant de le mettre à notre voisin. Que du bon sens !
- Quelle est l’interaction entre émotion et apprentissage ?
Le lien que je peux voir, c’est qu’à partir du moment où on est bien, on apprend mieux !
Globalement, la plupart des enfants n’a plus envie d’aller à l’école : ennui, journée trop longue, cartable trop lourd, manque de mouvements, théorie et savoir-faire au détriment du savoir être etc. En revanche si les enfants vont à l’école avec plus d’enthousiasme car ils savent qu’ils vont s’amuser, expérimenter et apprendre en même temps, ça change tout ! On apprend mieux dans l’expérience et de façon ludique, c’est maintenant prouvé par les neurosciences. L’idée serait peut-être de mener des expériences avec des professionnels avec et en dehors de l’Education nationale, accompagné de chercheurs, de scientifiques afin de valider les nombreux outils et pédagogies qui existent pour accompagner les parents, les enfants et les professionnels.
- Que penser de l’introduction de la pratique méditative, ou méditation de pleine conscience/présence à l’école ?
Je le recommande fortement ! La France fait partie des pays en retard sur l’éducation, la santé, la protection de l’environnement etc. D’autres pays sont en avance et ont expérimenté la méditation à l’école et ça transforme tout ! On constate qu’un simple exercice de relaxation très court avant de commencer la classe apporte une meilleure concentration et une ambiance plus détendue. Je remercie vivement les chercheurs et scientifiques mais également Matthieu Ricard qui s’est prêté à de nombreux tests pour valider les bienfaits de la méditation sur le cerveau et le corps.
- D’un point de vue institutionnel, est-il nécessaire de prendre en compte le développement personnel et le bien-être de l’élève et du professeur ?
Cette question rejoint les autres questions : c’est une responsabilité citoyenne que de prendre soin de soi en priorité tous les jours et d’intégrer des principes qui sont bons pour notre santé et notre état d’esprit. Alimentation, sport, sommeil, nature, informations positives, exercices de relaxation etc. Cela devrait être aussi logique que de se brosser les dents ou de se laver. Comprendre quelles sont nos compétences, nos excellences, savoir reconnaître nos émotions sans les juger etc. Si on faisait en sorte d’intégrer la connaissance de soi dès le plus jeune âge, les jeunes s’orienteraient davantage dans des métiers qui donneraient du sens, qui leur parleraient, au service du vivant, de l’humanité et qui leur permettraient, pourquoi pas, de créer une activité professionnelle. Et donc cela ferait des individus épanouis ! Quand on pense qu’on reste 7-8h par jour dans le monde professionnel mais également à l’école, on comprend toute l’importance d’avoir une activité qui participe à notre épanouissement personnel. Quand je prends soin de moi, je prends soin du collectif.
Témoignages figurant en annexe (pour la majorité ils ont dû être raccourcis dans le livre, ils figurent ici dans leur intégralité)
Témoignage de Gaël Le Bohec : « Pour un bon apprentissage, l’enfant doit être en situation de bien-être »
Élu député de la quatrième circonscription d’Ille-et-Vilaine lors des élections législatives de 2017, il a proposé au ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer un projet expérimental de la pleine conscience à l’école.
Depuis le début de mon mandat de député et de mes travaux au sein de la Commission des Affaires culturelles et de l’Éducation en 2017, j’ai souvent remarqué une chose qui m’a toujours surpris dans le milieu éducatif : nous parlons très peu de l’enfant. Or, il est primordial de mettre l’enfant au cœur du sujet lorsque nous parlons d’éducation, notamment en écoutant ses besoins, en le laissant s’exprimer et en s’assurant qu’il puisse apprendre dans de bonnes conditions. C’est d’ailleurs une conception défendue par le psychologue américain et spécialiste de l’éducation Peter Gray, qui estime que l’enfant doit être le premier acteur de son apprentissage. Ce serait ainsi le meilleur moyen de lui apprendre à gérer sa vie, ses émotions, ses problèmes et à bien vivre en communauté.
Pour s’assurer que les enfants puissent apprendre dans de bonnes conditions, il est important de prendre en compte sa dimension psychologique et émotionnelle : pour un bon apprentissage, l’enfant doit être en situation de bien-être. Beaucoup d’enseignants le disent : avant d’être des élèves, ce sont des enfants, qui ont une vie à côté de l’école, qui sont traversés par des pensées et qui peuvent parfois être confrontés à des problèmes personnels. Le travail sur les émotions a donc toute sa place à l’école, notamment pour permettre aux enfants de mieux les connaître, de mieux les gérer, d’être à l’aise avec eux- mêmes et avec les autres. De plus, l’école n’a pas seulement vocation à instruire : elle occupe une place fondamentale dans la vie d’un enfant, dans son éducation et dans sa construction en tant qu’individu. La prise en compte de ces notions est donc essentielle.
Travailler sur les émotions et le bien-être chez les élèves et les enseignants, c’est possible : il suffit de regarder dans nos pays voisins. En Finlande, par exemple, où la confiance en soi est au cœur de l’enseignement : à l’école, les enfants y suivent des cours d’éthique où ils sont invités à exprimer leurs pensées, leurs émotions ou leurs qualités. On leur apprend également à ne pas avoir peur de l’échec et à ne jamais renoncer en cas de problèmes. Au Danemark, ce sont des cours d’empathie, à raison d’une heure par semaine, qui sont obligatoirement enseignés à l’école depuis plus de 30 ans. Les enfants danois apprennent à lire, comprendre et écouter les émotions des autres, telles que la joie, la tristesse, la peur ou la frustration. Ils sont amenés à décrire ces sentiments et à exprimer les leurs, sans jugement. Un exercice leur apprenant à mieux comprendre l’autre et donc à vivre en communauté, dans le respect et la bienveillance. Nous trouvons des exemples outre-Atlantique également : au Canada, par exemple, où les deux compétences attendues chez un enfant à l’âge de six ans sont le travail en équipe et la gestion de conflit.
C’est donc par la volonté de travailler sur le bien-être à l’école que je me suis intéressé à la méditation de pleine conscience. Cette pratique, entièrement laïque, invite les enfants à se recentrer sur le moment présent ainsi qu’à identifier et exprimer leurs pensées, leurs sensations et leurs émotions. Elle leur propose de travailler sur le corps, les mouvements, la respiration, la confiance en soi, la bienveillance ou encore l’empathie. De nombreux pays, comme la Norvège, l’Angleterre, la Belgique ou encore le Canada, la propose désormais dans leurs programmes scolaires. En France, elle commence également à faire son chemin : plus de 600 établissements y ont initié leurs élèves. Pour comprendre en quoi la pleine conscience est bénéfique pour les élèves et les enseignants, il suffit de leur demander : beaucoup de ceux qui la pratiquent en classe témoignent d’une réduction du stress, d’une meilleure gestion des émotions, de plus de bienveillance, d’une meilleure estime de soi, d’un meilleur climat de classe, d’une baisse des violences et d’une amélioration de l’attention. Ces effets ont d’ailleurs été prouvés plus d’une fois par la recherche scientifique. La première étude francophone sur le sujet, publiée en 2019 et menée par le centre de recherche INSERM de Bordeaux, a démontré que la pleine conscience agissait notamment sur la réduction du stress, la régulation des émotions, l’attention, l’estime de soi et les compétences pro-sociales, en particulier chez les enfants les plus en difficultés, leur permettant de progresser plus rapidement.
Depuis que je m’intéresse à cet outil, j’ai eu la chance de rencontrer de nombreux élèves et enseignants, qui m’ont fait découvrir de merveilleuses initiatives. Dans une des dernières écoles que j’ai visitées, des élèves de CP étaient invités, au cours d’une séance, à dessiner un cœur pour y écrire leurs qualités et à les échanger avec leurs camarades. Un exercice les amenant à travailler sur la confiance en soi et sur la bienveillance avec les autres. De plus, c’est une pratique qui profite à tous. Les enseignants avec qui j’ai eu l’opportunité d’échanger me font souvent des retours très positifs : ils se sentent moins stressés, plus sereins, ont plus de capacité à prendre du recul, travaillent dans un meilleur climat de classe, comprennent mieux leurs élèves et ont donc une meilleure relation avec eux. Certains m’ont même affirmé que la pleine conscience avait changé leur manière d’enseigner et la vision qu’ils avaient de leur métier. Il ne s’agit pas de dire que c’est une baguette magique en mesure de régler tous les problèmes liés à l’éducation, cependant, elle peut réellement contribuer à améliorer le bien-être à l’école et participer, à son échelle, à une transformation du système éducatif. C’est en ce sens que j’ai remis au ministre de l’Éducation nationale, au début de l’année 2021, une proposition d’expérimentation de la pleine conscience en milieu scolaire, dans l’objectif d’offrir la possibilité, à tous ceux qui le souhaitent, de la pratiquer.
Entretien avec Sylvain Connac : « La méditation de pleine conscience défend une posture de retrait dans une citadelle intérieure, qui serait d’autant plus salvatrice en période de crises de tous ordres »
Enseignant-chercheur en sciences de l’éducation à l’université Paul-Valéry de Montpellier et au LIRDEF
- (Re)faire entrer l’émotion à l’École est-il autant bénéfique pour l’élève que pour le personnel de l’EN ?
Selon moi, une émotion est entendue comme un ensemble de variations épisodiques dans plusieurs composantes de l’organisme, en réponse à des événements évalués comme importants (Sander, 2016). En y accordant une place pour qu’elles s’expriment, les conseils coopératifs d’élèves considèrent les émotions des enfants, des jeunes et des enseignants comme utiles à prendre en compte parce que « l’état émotionnel de l’enfant intervient dans la confrontation à l’activité d’apprentissage et colore sa relation à cette activité » (Cuisinier, Pons, 2011, p. 7). Ces émotions sont appréhendées comme des facilitateurs ou des freins aux comportements moraux et à leur apprentissage.
Écouter les émotions participe à une éducation citoyenne dans le sens où cette posture combat l’agression collective et le dénigrement (ou la stigmatisation) des minorités ainsi que les affrontements entre sous-groupes d’un même groupe. L’intention est clairement de former « des individus qui sont prêts à vivre avec les autres dans le respect mutuel et la réciprocité » (Nussbaum, 2011, p. 41). Du côté de l’enseignant, il ne s’agit pas de chercher uniquement une paix sociale, mais que le temps scolaire profite à l’activité cognitive de chacun. En évoluant au sein d’un environnement conçu comme « hors-menace », les élèves disposent d’un lieu où le « risque d’apprendre » est réduit.
C’est ainsi que, distinctement aux pratiques de conseils coopératifs et à l’Education Nouvelle, en appui sur les dynamiques de non-violence, le mouvement autour de la communication non violente (Rosenberg, 1999) a intégré l’école. Il a précisément été opérationnalisé pour les classes primaires par l’intermédiaire du « message clair » (Jasmin, 1994). Il s’agit d’une technique de gestion autonome et non violente des petits conflits que les enfants rencontrent. Après y avoir été initiés, ils ont la possibilité d’y recourir comme alternative équitable aux mécanismes d’une situation de violence subie : fuir, se soumettre ou devenir violent (Pain, 2006).
- Quelle est l’interaction entre émotion et apprentissage ?
Comme le défend Antonio Damasio, c’est une erreur de ne pas accorder aux émotions une place importante, sous prétexte de privilégier le seul recours à la raison. Au sein d’une classe, les émotions ont en effet un impact sur les processus d’apprentissage parce que les contenus sont encodés cognitivement et affectivement (Cuisinier, Pons, 2011). Elles agissent comme des marqueurs somatiques et, lorsqu’elles ont un caractère agréable, elles facilitent la résolution de problèmes nécessitant une activité complexe et peu automatisée, la production de solutions nouvelles et originales.
Toutefois, les émotions agréables ne sont pas les seules qui participent aux apprentissages. Les travaux de D. Favre (2015) font en effet apparaître qu’apprendre est un processus en plusieurs phases. Même si la compréhension et la réussite sont corrélées à une libération d’ocytocine et de dopamine, cet insight cognitif succède à des moments de doute et de déstabilisation intellectuelle. Ces périodes, dites de conflits cognitifs (ou de désaccord avec soi-même), sont utiles pour la conscientisation de la reconfiguration nécessaire d’une série de certitudes (ou de représentations). Ce n’est qu’à cette condition que sont reconnus les efforts de combler les manques en s’appropriant des nouvelles informations ou en développant de nouvelles habiletés.
- Que penser de l’introduction de la pratique méditative, ou méditation en pleine conscience/présence à l’école ?
Bien que trouvant des intérêts à des exercices visant le calme, la concentration et l’attention des enfants sur les consignes scolaires, j’émets un avis plutôt réservé sur l’usage de la médiation de pleine conscience à l’école, pour deux raisons principales.
D’abord, au regard du principe de laïcité qui anime nos écoles et, plus largement notre société républicaine. Même si méditer n’est pas spécifiquement lié à une confession, ses pratiques sont explicitement revendiquées par les grandes religions du Livre ainsi que par la plupart des philosophies orientales. Je pense que l’on ne peut pas d’un côté écarter l’Islam, le Judaïsme et le Christianisme des salles de classe, et, d’un autre, introduire des rites liés au bouddhisme, même avec l’argument de l’attention à soi, du calme retrouvé et de la prévention des violences.
Ensuite, au regard de la montée sociétale de l’individualisme débridé, dont la plupart d’entre nous conteste les effets sur la lutte contre les fléaux collectifs auxquels nous sommes confrontés : changement climatiques, flux migratoires, accroissement des inégalités sociales, injustices éducatives… Cette montée de l’individualisme est parfaitement cohérente avec les modes néolibérales qui guident la plupart de nos politiques occidentales depuis quelques temps. Elle s’apparente à un nouveau stade du capitalisme qui fait de la quête du bonheur individuel la norme de toute préoccupation. Dans ce contexte, la méditation de pleine conscience défend une posture de retrait dans une citadelle intérieure, qui serait d’autant plus salvatrice en période de crises de tous ordres (Cabanas & Illouz, 2018).
Or, même si nous acceptons l’idée que le bonheur peut passer par le refuge dans cette citadelle de l’intériorité, il n’en va pas de même chez tous les philosophes. Il en existe plusieurs, dont Emmanuel Mounier et Martin Buber, qui prétendent au contraire que ce même bonheur peut se construire à travers un sentiment d’appartenance à un collectif. Il existe donc une véritable tension réflexive entre un bonheur qui s’obtiendrait d’un côté par la recherche de paix intérieure et d’un autre par la participation à des actions concertées au travers desquelles les individus peuvent se réaliser et s’émanciper. Cette dialectique se résout certainement par un équilibre. Ce que je critique modestement concernant cette mode de la méditation est qu’elle se veut souvent exclusive.
Entretien avec Valérie Marchand : « Comme le dit Pierre Janet « Ce n’est pas avec son cerveau que l’Homme pense, c’est avec son corps tout entier » »
Docteur en pharmacie, formatrice, instructrice de pleine conscience, auteur de Quatre saisons de méditation avec les enfants et d’une collection de cahiers pratiques pour adultes et adolescents aux éditions Marabout.
Les émotions et la méditation à l’école : qu’en pensez-vous ?
Les émotions sont un phénomène physiologique essentiel à la vie et à la survie de tout mammifère. Elles nous permettent de nous comprendre, de connaître nos besoins, nos limites, ce qui nous convient, ce qui nous motive, d’agir en mettant du sens. Elles nous permettent de comprendre les autres, d’entrer en relation. C’est l’un de nos systèmes d’informations et l’une de nos formes d’intelligence. Elles permettent notamment de mémoriser. Demander aux enfants de venir étudier à l’école en mettant de côté cette intelligence, sans leur permettre de la développer, n’est pas naturel. En tenir compte revient à mobiliser leur plein potentiel, à leur permettre d’être pleinement présents et pleinement eux-mêmes. Mais au-delà c’est un merveilleux outil de prévention en matière de santé publique. Nous vivons encore dans une société où l’émotion, surtout lorsqu’elle est jugée négativement, n’a pas sa place. Nous prenons l’habitude d’éviter, de refouler. Nous entrons en guerre contre nous-même, et toute guerre fait des dégâts. En effet, une émotion non accueillie, non prise en compte, ne disparaît pas. Elle est présente en bruit de fond de façon biologique et psychologique. Régulièrement, elle est réactivée par différents événements. Au bout d’un moment la soupape de sécurité va nous pousser à réagir pour évacuer le trop plein accumulé. Puis on reprend notre accumulation jusqu’à la prochaine explosion. Cela peut être violent pour nos relations. Mais en plus, ce bruit de fond permanent se produit dans notre corps et impacte notre santé. Par exemple, l’émotion de peur va générer la sécrétion de cortisol. À long terme il va détruire les neurones de l’empathie et certaines fonctions cognitives. Il impacte la mémoire, l’attention, la tension artérielle, la régulation du sucre, les fonctions immunitaires, les fonctions digestives, les muscles, le sommeil, etc.
Dans mon métier de pharmacien, j’observe tellement de troubles de la santé et de maux dus à ces émotions non accueillies, ces émotions sur lesquelles nous n’avons pas mis de mots. Parce qu’on nous a appris à nous couper de cette formidable intelligence qui peut nous aider à nous connaitre, à faire des choix alignés dans notre vie. Comme le dit Pierre Janet : « Ce n’est pas avec son cerveau que l’Homme pense, c’est avec son corps tout entier ».
Il n’est jamais trop tôt ou trop tard pour développer cette intelligence. La méditation de pleine conscience nous y aide en apprenant à être en paix avec nous-même. Permettre cela aux enfants est selon moi un enjeu de santé publique et un enjeu sociétal. Nous les accompagnons à devenir des êtres humains en meilleur santé, plus à l’écoute, plus respectueux d’eux-mêmes, des autres et du monde.
Témoignage de Nicole Bouin : « La bienveillance sans exigence relève du mépris, alors que l’exigence sans bienveillance malmène les enfants »
Professeure de lettres-histoire en lycées professionnels pendant quarante ans, diplômée en sciences de l’éducation et en psychologie cognitive, formatrice d’enseignants.
Il est aujourd’hui incontestable que les dimensions physiologiques, émotionnelles et cognitives sont indissociables parce que les apprentissages sont conditionnés par les émotions mais aussi parce que ces derniers suscitent des émotions qui influenceront les réactions des jeunes dans les futures situations d’apprentissage. Les études menées sur l’impuissance apprise montrent qu’un élève qu’on a découragé et qui se sent inapte ne cherche même plus à trouver les solutions aux problèmes qu’on lui soumet. Son cerveau démissionne.
Les travaux sur le circuit de la récompense nous permettent aussi de penser autrement la question de la motivation, et nous donnent l’opportunité d’aborder celle des addictions, sur un plan scientifique et pratique et non plus en termes de morale et de culpabilité. Beaucoup d’autres exemples pourraient être donnés pour illustrer les liens entre les émotions, conscientes ou non, les apprentissages et l’éducation.
J’ai eu l’occasion de travailler en atelier de remédiation cognitive dans le cadre de l’association Ordys avec la méthode Minh d’Annick Lefèvre auprès d’enfants porteurs de troubles dys, de TDAH et de certains éléments du spectre de l’autisme. Cette méthode met en synergie un dialogue métacognitif avec l’enfant à partir d’exercices ludiques sur l’ordinateur et des séances de méditation de pleine conscience. Nous avons pu constater que ces jeunes développaient leurs capacités d’attention, leurs capacités d’inhibition et surtout la maîtrise de leurs états mentaux. D’eux-mêmes, quand ils n’arrivaient plus à travailler dans de bonnes conditions, lors des dialogues pédagogiques, ils demandaient quelques minutes pour pratiquer tel ou tel exercice qui leur permettait de récupérer leurs capacités.
Christophe André rappelle dans ses conférences que les résultats des centaines d’expérimentations scientifiques menées chaque année sont convergents : la méditation permettrait de comprendre ses souffrances, de diminuer son stress, de vivre de meilleurs liens, d’augmenter ses capacités de concentration, de réguler les émotions et les impulsions, d’atténuer le vagabondage de l’esprit et les ruminations. Des recherches scientifiques ont mis en évidence le fait que la méditation stimule la myélinisation de régions cérébrales essentielles pour les apprentissages, et favorise les fonctions exécutives supérieures, l’attention et l’inhibition en particulier.
Plus globalement je pense que la neuro-éducation doit prendre sa place parmi les sciences de l’éducation et dans la formation initiale et continue de tous les enseignants. Pour qu’ils accèdent à ce que l’on sait aujourd’hui du fonctionnement cérébral et l’utilisent pour mieux accompagner les apprentissages des élèves en général, et des élèves porteurs de troubles des apprentissages en particulier.
La bienveillance a longtemps été considérée comme du laxisme, aujourd’hui on sait qu’elle ne s’oppose pas à l’exigence. J’ai coutume de dire que l’un sans l’autre, c’est de la maltraitance, la bienveillance sans exigence relève du mépris, alors que l’exigence sans bienveillance malmène les enfants, les décourage et les éloigne de la culture scolaire.
Les enseignants et éducateurs, les employeurs, les politiques, les philosophes, insistent tous aujourd’hui sur l’importance des compétences sociales qui sont explicitement évoquées dans le socle commun dès 2006. L’OMS a défini les 10 compétences psychosociales qui permettent aux citoyens de s’épanouir dans notre société et d’y tenir leur place. Savoir gérer son stress et ses émotions, être habile dans les relations interpersonnelles, avoir conscience de soi, montrer de l’empathie pour les autres, savoir prendre des décisions… et ces compétences sont directement liées à la connaissance et à la reconnaissance des émotions, à la capacité de les exprimer. On parle d’ailleurs de plus en plus d’intelligence émotionnelle, une expression qui dit clairement la synergie entre pensée et émotions, qui recouvre les compétences sociales, cognitives et émotionnelles, étroitement corrélées aux performances scolaires.
L’enseignant, pour sa part, a donc deux bonnes raisons de se former dans ce domaine : mieux identifier ses propres émotions contribue à une forme de lucidité pédagogique, au contrôle des attitudes qui permettent de rester bienveillant et efficace. Il est par ailleurs responsable de l’éducation émotionnelle de ses élèves, ce qui nécessite des connaissances et des savoir-faire. Il tirera bénéfice d’une formation à l’éducation émotionnelle, mais aussi de la participation à un groupe d’analyse des pratiques dans lequel il va pouvoir prendre du recul, analyser ses émotions et ses réactions en classe pour améliorer la maîtrise de soi dans toutes les situations, optimiser ses expériences, affiner savoir être et savoir transmettre.
Témoignage de Corinne Tran, référente EHP de la région académique PACA
Dans le cadre d’une prise vidéo filmée par les services du rectorat pour un parcours de formation à distance, j’ai pu assister à une séance de gestion du stress et de l’émotion animée par Mme Lafont en mai 2019.
La séance que j’observe se déroule dans un grand parc, planté de nombreux arbres majestueux, un jour de grand mistral.
Le groupe d’une vingtaine d’élèves se montre à l’aise avec ce type de séance de méditation de pleine conscience en extérieur car ils ont déjà pratiqué cet exercice précédemment dans l’année.
Avec la période d’examen qui approche, l’objectif affiché est clairement de leur donner des clés pour gérer leur stress et cela semble correspondre à leurs besoins puisqu’ils sont présents sur leur temps personnel, un mercredi après-midi.
La séance dure trois heures et s’articule autour de différents exercices : certains permettant de contrôler son souffle, ce qui pourra servir à calmer une crise de panique au moment d’un oral par exemple et d’autres favorisant des pensées positives, visant un effet à plus long terme afin que chacun puisse valoriser ses qualités personnelles et ainsi prendre conscience de son potentiel.
A la fin de la séance, les élèves paraissent très satisfaits et vont aborder plus sereinement les épreuves d’examen qui approchent. Certains acceptent également de témoigner de cette pratique qu’ils ont mise en œuvre deux fois dans l’année mais également de manière régulière au début de certains cours.
Ces témoignages démontrent que cette pratique leur a permis d’apporter un « plus » à leur formation au lycée, en les accompagnant sur un savoir-être qui n’est habituellement pas intégré dans les programmes.
Entretien avec Isabelle Servant : « Quand on réussit à respecter l’intégrité de la personne, il y une disponibilité émotionnelle, physique et psychologique »
Ex-professeure de l’Éducation nationale et de l’université de Stanford (États-Unis), Isabelle Servant est fondatrice de l’Orientation Positive©. coach, formatrice, conférencière et auteure 6 livres dont les best-sellers « 30 jours pour trouver ma voie et vivre mes rêves » et « Et si je trouvais enfin ce que je veux faire de ma vie » publiés aux Éditions Eyrolles.
- Quelle place pour les émotions dans le travail sur l’orientation de l’élève ?
Les émotions sont des informations sur notre état d’être. A travers nos émotions, nous observons comment nous nous sentons (joyeux, serein, honteux, en colère, triste…). Ce sont donc de précieux guides dans la vie ! En matière d’orientation, il est bon de rappeler que nous passons en moyenne près de 80000 heures de notre vie au travail. Il semble donc pertinent d’essayer de rechercher un état d’être qui nous réjouisse ! Il serait en effet dommage de « perdre » sa vie à la gagner !
La psychologie positive (la nouvelle branche de la psychologie qui étudie ce qui marche) a d’ailleurs mis en évidence que les personnes les plus épanouies au travail combinent 3 caractéristiques :
. Elles utilisent leurs points forts, atouts, talents
. Elles exercent une (ou plusieurs) activité(s) qu’elles aiment vraiment (=qui leur donnent de la joie, du plaisir)
. Elles se sentent en accord avec ce qu’elles font, elles ont donné du sens à leur travail (respect de leurs valeurs, aspirations profondes, contribution au monde, …)
L’un des 3 piliers d’une vie professionnelle « réussie » est donc en lien avec la joie !
Mais au-delà de celle-ci, différentes émotions sont intéressantes à explorer en matière d’orientation car elles nous donnent des informations précieuses sur soi. Par exemple, la colère qui a pour mission de nous alerter lorsque ce qui nous est cher est en danger, peut nous éclairer sur nos valeurs et sur ce qui est important pour soi… Car de manière générale, nous aspirons tous à nous sentir en sécurité, aimé, reconnu, valorisé, libre, joyeux, aligné, plein de vie … Les émotions sont donc indispensables dans nos choix de vie, y compris professionnels.
- Quelle est la place pour l’estime de soi et la confiance en soi pour choisir sa voie ?
L’estime de soi (la valeur que l’on se donne) est malheureusement souvent construite sur 2 piliers : le regard des autres, notamment celui des proches (parents, famille, enseignants, amis…) et sur les résultats scolaires. Quand on est enfant, l’estime de soi n’a presque rien à voir avec soi et tout à voir avec les autres. L’enfant va en effet considérer comme vrai ce qui est dit de lui et le regard que les autres portent sur lui, sur sa personnalité et ses capacités. En ce sens, les adultes et l’entourage ont une grande responsabilité pour rassurer l’enfant sur son importance, sa valeur, son potentiel, ses capacités à réussir. C’est un socle de confiance en soi pour pouvoir ensuite faire des choix qui nous ressemblent vraiment et pour lesquels on se sent à la hauteur (de se former puis de l’exercer – voir d’en changer).
- La méditation est-elle un des outils possibles et efficaces pour parvenir à choisir sa voie ?
Personnellement, j’utilise l’intuition et non la méditation dans mes accompagnements. La méditation est toutefois très intéressante à plusieurs niveaux. Elle permet petit à petit de revenir en soi, dans son corps et dans le moment présent pour accéder à ses propres réponses. Une métaphore possible est celle de la boule à neige. Dans notre quotidien, c’est comme si la boule était pleine de flocons dispersés un peu partout. Lorsque l’on se pose, lorsque que l’on se calme, lorsque l’on se reconnecte à soi, les flocons peuvent alors se déposer sur le sol et l’image apparaît. On peut observer ce qui se passe à l’intérieur et s’écouter vraiment. Ecouter ce que dit son cœur.
Les visualisations/méditations guidées peuvent aussi permettre de prendre le temps de se connecter à soi et possiblement d’accéder à un autre niveau d’information, celui de l’inconscient notamment ou d’un champ des possibles plus large. Des visualisations peuvent aussi transformer un état intérieur, faciliter l’accès à ses propres ressources, s’autoriser certains possibles, se projeter dans le futur, se reconnecter à ce qui est bon pour soi et ce que l’on veut vraiment…
Enfin, les effets de la méditation sur le rééquilibrage du système nerveux ne sont aussi plus à démontrer. Et il est évidemment plus facile de faire des choix lorsque l’on se sent bien…
Témoignage de Pascale Toscani : « Pas facile lorsque l’on est enfant de dépasser un sentiment négatif lié à l’apprentissage ! »
Docteure en psychologie cognitive. Chercheure associée au laboratoire du LIRDEF, université Paul-Valéry de Montpellier et Directrice du GRENE MONDE [laboratoire de Neurosciences Cognitives, Apprentissages et Transitions Educatives]
Pour les professions de l’enseignement, comme pour toutes les professions liées à l’accompagnement de l’être humain, il semble nécessaire de comprendre quelques éléments du fonctionnement cérébral. La psychologie a permis de mieux comprendre l’humain, mais elle est incomplète pour le considérer dans sa globalité. Certains comportements, comme celui de la motivation (ou du manque de motivation), ne trouvent pas toujours leur origine dans ce que l’on croit être « un trait de personnalité ». Comme si certaines enfants étaient toujours motivés et d’autres pas. Bien sûr, tout être humain se développe dans un environnement, au sens large. Cependant, la motivation est liée au système de récompense. Notre système cérébral est une mémoire, qui a une capacité d’anticipation extraordinaire, mais aussi assez redoutable. Si l’évocation d’une action donne un sentiment plutôt agréable, cela provoque une libération de dopamine, ce qui sera perçu comme du plaisir. Si l’évocation d’une action donne un sentiment plutôt désagréable, cela provoque une inhibition de la libération de dopamine, ce qui sera perçu comme du déplaisir. Cela va dynamiser ou inhiber nos actions. Dans le cas des apprentissages, cette anticipation de notre cerveau, parie en quelque sorte, sur le résultat à venir… Pas facile lorsque l’on est enfant de dépasser un sentiment négatif lié à l’apprentissage ! Mangeriez-vous un repas que vous détestez, qui vous soulève le cœur, tous les jours, parce que cela serait nécessaire ? Et pourtant, pour certains enfants, l’école est le lieu où l’apprentissage est une reviviscence éternelle de souvenirs douloureux. Et dans ce cas, le désengagement, qui mène à de la démotivation est un processus plutôt très compréhensible, voire de bon sens !
Entretien avec Dominic Sappey-Marinier : méditation de pleine conscience et effets sur le cerveau
Maître de conférences des Universités — Praticien Hospitalier. CERMEP-Imagerie du Vivant & CREATIS (CNRS UMR5220 & U1294 INSERM), Université Claude Bernard-Lyon1
Quels sont les effets de cette méditation sur les réseaux cérébraux des philocognitifs
« La méditation pleine conscience constitue certainement un outil d’éveil, de contrôle de l’attention, d’auto-régulation des émotions et de prise de conscience de soi contribuant à un renforcement personnel extrêmement bénéfique aux EHP. »
Les philocognitifs[1] ou enfants à haut potentiel (EHP) disposent de grandes capacités cognitives, marquées par des indices de quotient intellectuel (QI) plus élevés que la moyenne (QI > 130). Ces explorations neuropsychologiques traduisent une pensée forte et permanente, une réflexion rapide, des questionnements profonds sur le sens des choses, et/ou une hypersensibilité qui peuvent être facilement identifiés cliniquement.
Par contre, ce haut potentiel peut s’accompagner d’une dyssynchronie cognitivo-émotionnelle qui se traduit par un développement atypique tant sur le plan psychomoteur que psychosocial et souvent par des troubles d’apprentissage. Cette dyssynchronie peut induire une anxiété, un retrait social, une baisse de l’estime de soi, ou un perfectionnisme excessif conduisant à une sous-performance scolaire. Ces observations cliniques ont conduit Fanny Nusbaum à proposer le modèle de la philocognition, intégrant deux profils. Les philo-laminaires présentent un profil psychométrique plutôt homogène et en général un comportement bien adapté et une bonne réussite scolaire alors que les philo-complexes présentent un profil psychométrique hétérogène associé à des déficits d’attention plus ou moins importants et/ou des troubles d’apprentissage.
L’IRM fonctionnelle montre une réorganisation fonctionnelle d’activation des régions cérébrales par rapport aux sujets neurotypiques. On observe en particulier une augmentation d’activité de l’insula, région de contrôle de la sensibilité et de la douleur, et du cortex pariétal supérieur (CPS) qui contrôle et prépare à l’action par l’intégration des informations visuo-spatiales, correspondant à une hypersensibilité et une hyperacuité. Lorsque l’on compare chaque groupe de philocognitifs au groupe contrôle, on observe chez les complexes, une augmentation d’activité dans le gyrus fusiforme, le cortex visuel et le pôle temporal médian (hippocampe et mémoire) de l’hémisphère gauche et une baisse d’activité dans le pôle préfrontal (planification temporelle). Chez les laminaires, on observe une baisse d’activité dans le cortex orbito-frontal (COF), impliqué dans la gestion des émotions, et dans le cortex cingulaire postérieur (CCP), lieu d’introspection, de conscience de soi et d’imagination.[2]
D’un point de vue structural, l’IRM de diffusion montre une meilleure connectivité des philocognitifs par rapport aux sujets contrôles. Plus encore, cette connectivité structurale est plus importante chez les laminaires par rapport aux complexes. Sur le plan anatomique, cette meilleure connectivité est plutôt localisée dans l’hémisphère droit des laminaires leurs donnant des capacités d’ouverture et d’adaptation alors qu’elle est privilégiée dans l’hémisphère gauche des complexes contribuant à développer leurs capacités de création et de référence personnelle.[3]
Ces résultats neurobiologiques montrent que les caractéristiques cérébrales des EHP sont différentes des enfants neurotypiques, tant au niveau structural que fonctionnel. Les philocognitifs présentent une connectivité structurale plus élevée et corrélée avec le niveau d’intelligence [4] ainsi qu’une une augmentation d’activité dans les régions traitant des informations perceptives, sensorielles et émotionnelles. En particulier, chez les complexes, on trouvera des déficits d’attention et de concentration liés à un manque de contrôle impulsionnel et conduisant à des troubles d’apprentissage et à une anxiété en relation avec cette organisation anatomo-fonctionnelle particulière.
Dans ce contexte, la méditation pleine conscience constitue certainement un outil d’éveil, de contrôle de l’attention, d’auto-régulation des émotions et de prise de conscience de soi contribuant à un renforcement personnel extrêmement bénéfique aux EHP, qu’ils soient laminaires ou complexes.
Diverses études ont montré que la méditation avait un effet sur l’insula et l’amygdale, les deux structures majeures de gestion des émotions, et en particulier une diminution de volume de l’amygdale droite. Cette baisse de la réaction amygdalienne aux émotions et une augmentation de l’activité du cortex préfrontal ventro-médian montre que la méditation a un effet bénéfique sur le contrôle le contrôle des émotions. Enfin, il est intéressant de mentionner les effets épigénétiques de la méditation. Kaliman et al.[5], spécialiste de la question, rapporte des modifications d’expression de différents gènes intervenant dans la gestion du stress ou la régulation des phénomènes inflammatoires.
En conclusion, si les études scientifiques restent encore limitées, la pratique de la méditation montre des effets bénéfiques sur le bien-être, le contrôle de soi et le renforcement mental qui peuvent certainement profiter au développement personnel des philocognitifs, et plus particulièrement ceux présentant des troubles du comportement et/ou d’apprentissage.
[1] Synthèse de 39 études quantitatives réalisées entre 2005 et 2017 sur les bénéfices académiques, socio- émotionnels et psychologiques des IBPC (Interventions Basées sur la Pleine Conscience) en milieu scolaire.